Quel avenir pour l’Agapanthe à Bréhat ?

L’Agapanthe : sa présence sur le caillou nous est si commune que des présentations seraient superflues : plantation et entretien, période de floraison ou moyens de reproduction, ce sont là des connaissances qui touchent presque à la tradition culturelle de notre île. Et se remémorer que son nom vient du grec ancien « agapê » et « anthos » qui veut dire littéralement fleur de l’amour, nous illustre à quel point son affection est ancrée dans le cœur de tous depuis le début de cette trouvaille, en Afrique du Sud, au Cap de Bonne-Espérance. Cette région du monde, aux climats et biotopes variés, a permis de nombreuses sous-espèces aux caractéristiques différentes : résistance au gel, à la sécheresse, à la salinité… de fait que chez nos cultivars, nous retrouvons des variétés caduques ou persistantes, par exemple. Malheureusement, peu de choses semblent être conservées quant-à son histoire. Traditionnellement, elle aurait été utilisée par les populations locales pour protéger et aider la femme au cours de sa vie, de façon médicinale et/ou magique. Ce seraient des explorateurs néerlandais au 17e siècle qui l’auraient rapporté. Un siècle plus tard, c’est en Angleterre qu’est créée l’hybride connue de nos jardins. Un siècle encore plus tard et cette fleur de l’amour… accoste Bréhat.
Deux cents ans de prospérité et de croisements pour en arriver à des jardins fleuris de centaines de cultivars différents, mais depuis peu un mal sévit : Enigmadiplosis agapanthi, la cécidomyie de l’agapanthe. C’est une nouvelle espèce d’un nouveau genre ; nous ne connaissons donc que très peu de choses sur ce moucheron diurne qui serait possiblement de la région d’origine de l’agapanthe. Il serait arrivé lors d’import pour de nouvelles collections. C’est un insecte minuscule – moins de 3 mm qui a été signalé pour la première fois en 2014 en Angleterre. La femelle pond dans les boutons floraux provocant gales et déformation de la fleur jusqu’à flétrissement prématuré. Les boutons peuvent être touchés jusqu’au cœur de la plante rendant impossible toute floraison. Évidemment, il y a des espèces plus ou moins résistantes, ce qui rend leur étude plus complexe, mais nous informe déjà que tout n’est pas perdu.
Face à la gravité de la situation, la Pépinière de l’île s’est rapprochée de spécialistes dans l’intention d’étudier la cécidomyie et d’établir un plan d’action pour endiguer le problème. Traitements phyto, traitements bio à base d’argile, remèdes de grand-mère avec liquide vaisselle et alcool ménager, filets protecteurs insecte proof, coupe et destruction par le feu des tiges vrillées et contaminées, nettoyage systématique des outils, plantes répulsives telle que la tulbaghia : tout est mis en œuvre pour préserver sa collection riche de centaines d’espèces.
Un passeport phytosanitaire a été mis en place depuis trois ans pour suivre tout mouvement d’agapanthe. Cette procédure permet d’attester l’absence d’infection sanitaire chez les plants de la pépinière ; ainsi, les touristes peuvent rentrer chez eux sans risque de propager le mal. D’ailleurs, c’est le gros risque des échanges de plants entre particuliers : disséminer les œufs de cécidomyie.
Alors que faire ? Il semblerait que le seul moyen réellement fiable pour les particuliers soit de raser le massif infecté avant l’éclosion des boutons et d’en brûler les déchets. Un an de floraison serait ainsi perdu, mais le massif serait plus durablement protégé contre la prolifération. Un investissement massif de la part de la population permettrait la destruction de nombreux foyers.
Cette malheureuse situation rappelle une autre histoire, celle d’Aculops fuchsiae, un acarien qui a ravagé les massifs de fuchsia il y a une dizaine d’années. Les premiers foyers confirmés en Europe étaient également en Angleterre et l’insecte provenait également du pays d’origine de la plante. Il y avait eu pour ordre de tout couper et de repartir sur des variétés originelles, plus résistantes. Certain.e.s s’y sont employé.e.s d’autres moins. Le problème paraît résolu et pourtant, il n’en est rien : la gale du fuchsia est toujours présente. Dès lors, pourquoi cette impression paisible ? C’est que le fuchsia était présent partout à Bréhat. Sa population a fortement diminué, certaines variétés, trop fragiles, ont certainement disparu : la pression parasitaire est moindre, la propagation plus difficile… jusqu’à équilibre.
Ewen, pour la Commission Environnement et Agriculture