La tonte répétée d’un jardin ou espace vert est communément admise comme étant un atout esthétique pour son jardin. L’herbe rase rend visible les massifs fleuris et arbustes ornementaux, donnant un contraste sur les reliefs ainsi définis. Cela apporte le sentiment de maîtrise sur un environnement qui nous appartient où la vitalité de la nature est contenue.
Malheureusement, cela a plusieurs conséquences à terme. Une telle façon d’aborder les jardins est tout d’abord coûteuse, à la fois en temps, mais aussi en énergie – sans compter les nuisances sonores qui en sont induites d’avril à juin. Tondre régulièrement, c’est également empêcher les insectes de vivre leur cycle de reproduction. Nombreux sont ceux ayant besoin des tiges creuses d’une plante à maturité pour pondre ses œufs. Et moins de diversité d’insectes implique moins d’oiseaux et plus de parasites ! Par ailleurs, certaines plantes ne supportent pas d’être tondues régulièrement et viendront à disparaître : leur capacité, à capter la lumière et la chaleur du soleil seront amoindries, tout comme le développement de leur système racinaire. Les trous ainsi créés par ces absences laissent le sol à nu, cuisant sous le soleil, appelant la présence de plantes colonisatrices nettement plus… coriaces. Ces plantes, sans avoir besoin de les nommer, sont des plus indésirables, tant il est difficile de s’en débarrasser. Nous en avions parlé lors de notre dernière chronique, c’est le cas des plantes invasives dont la résistance n’a que peu de limites : elles révèlent un déséquilibre causé par un manque de biodiversité, un manque à combler.
Voilà donc nos conséquences : une végétation appauvrie qui se complète d’indésirables, un besoin accru d’eau pour compenser et des coûts à n’en plus finir… Adieu orchidées, papillons et lucioles qui égayaient notre enfance !



Et si nous considérions les jardins autrement ?


La première pensée est de considérer que notre île laisse déjà bien assez de place à la biodiversité grâce aux espaces agricoles, tertres ou landes qui composent son paysage. C’est vrai que ces milieux peuvent être très riches lorsque les fougères sont broyées, permettant ainsi ce que nous appelons des « corridors écologiques » où la diversité s’exprime à nouveau, lorsqu’un roncier est laissé dans un espace oublié ou lorsque l’agriculture s’exempte de produits chimiques. Mais, nos jardins, qui représentent près d’un tiers de la surface de l’île, ont aussi leur rôle à jouer et peuvent devenir de véritables réservoirs de biodiversité.


Le fauchage tardif en pratique

La première des choses, c’est d’identifier les zones propices au fauchage tardif ou une zone test pour tenter une première expérience. Il n’est évidemment pas question de laisser enherbée l’entrée de la maison, le barbecue et la balançoire des enfants ! Ces espaces et passages identifiés, nous définissons des allées d’1,20 m et des bordures de 50 cm autour des espaces fréquentés, nous accordant le loisir d’aller et de faire librement, sans restriction. Le jardin se divise alors en différents espaces où les allées serpentent entre les carrés d’herbes hautes, où la fraîcheur des herbes nous préserve des fortes chaleurs. C’est la possibilité d’une esthétique nouvelle de fleurs et plantes sauvages, sans être antagoniste des massifs exotiques désherbés régulièrement.


Pour quels bénéfices ?

Après avoir gagné en calme pendant le printemps, en confort et en plaisir pendant la haute saison, le fauchage se fait fin septembre, une fois la ponte des insectes finie, juste avant la taille des haies. À cette saison, les professionnels sont également plus disponibles. Dans les jardins, cela peut se faire à la débroussailleuse avant ratissage ou au girobroyeur. L’herbe fauchée peut-être compostée pour amender le jardin au printemps ou servir de paillage autour des arbustes ou des haies.

Si la curiosité vous pique quant au fauchage tardif, sachez que cette pratique est l’occasion de voir se développer la Vesce de Cracovie, notamment. Très timide à Bréhat parce qu’elle ne supporte pas la fauche répétée, c’est une plante de la famille du trèfle dont les fleurs bleu nuit fleurissent tout l’été ! Ces fleurs sont comestibles et les graines réduites en farine sont riches en protéines. Qui plus est, elle produit un nectar très recherché par les abeilles et sa pollinisation est permise par des dizaines d’insectes, dont des papillons qui sauront embellir votre jardin de leur présence !

Dans une prairie ou un jardin enherbé, nous pourrons également apprécier aux heures vespérales le délicat parfum de la fleur de Flouve odorante. Proche cousine de l’Herbe à bison, cette herbe contient de la coumarine, une molécule volatile… aux vertus relaxantes, qui donneront un peu plus de magie à vos soirées d’été.

Ewen, pour la commission environnement et agriculture

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