Au cours de cette chronique, de nombreuses plantes exotiques ont été abordées quant au désastre qu’elles engendrent une fois échappées de nos jardins. Quelques explications s’imposent.
Face à des espaces tels que les friches industrielles, les allées de jardins, les champs agricoles ou les recoins d’une ruelle, certaines plantes peuvent proliférer. Cela s’explique, déjà, par la dégradation de ces espaces où l’équilibre naturel d’un écosystème est rompu. Pollution chimique, sécheresse, tonte répétée ou pâturage intensif. De nombreuses espèces locales fragiles, ainsi, s’épuisent et disparaissent, simplement. La vie n’appréciant pas le vide, celui-ci est vite comblé par d’autres espèces, également locales, mais plus tenaces, en attendant qu’un écosystème diversifié se (re)mette en place. L’exemple du maceron, avec sa grande ombelle et ses grains dont la saveur rappelle le poivre, que tous et toutes s’évertuent à chasser de leur pelouse, est criant de vérité. Or, si cet espace est maintenu tel quel, ces plantes-là resteront très présentes. Dans ces espaces désertés de l’agriculture, où que ce soit, en Bretagne, ronces et fougères s’installent, mais pour un peu que les conditions le permettent, elles disparaîtront au profit d’un marais, d’une prairie, d’une forêt ou d’une lande à bruyères.

Alors pourquoi parler de ces plantes-là ? C’est que, malgré un caractère que nous pouvons considérer comme « envahissant », elles ne sont pas classées « invasives » pour la simple et bonne raison qu’elles s’ancrent dans les cycles d’équilibres et déséquilibres d’un contexte géologique et météorologique. Ce qui fait qu’une plante soit invasive, c’est qu’indépendamment de la fluctuation de ces cycles, sa population augmente, chose qui n’est possible qu’avec des plantes exotiques, d’autant plus que leur introduction, s’est faite, notamment, sur des critères de rusticité, soit la capacité à être tenace face aux éléments ou à la concurrence.
Un exemple parlant, qu’il convient de présenter pour illustrer ces mécaniques, c’est celui du laurier sauce, laurus nobilis, un arbre méditerranéen. Longtemps proposé en brise-vent, sa pousse est rapide, son feuillage est persistant et résiste aux embruns. Une merveille quand nous connaissons les conditions de vie à Bréhat ! Par ailleurs, son utilisation en cuisine pour les viandes en sauce est de notoriété publique. Alors, que lui reprochons-nous ?
D’abord son port buissonnant avec ses drageons nombreux, son feuillage ombrageant et sa croissance compétitive laisse peu de place à autre chose. Ensuite, ses feuilles contiennent une huile essentielle, réputée entre autres comme anti-biotique. Cela n’a pas pour vocation initiale de soigner les hommes et de lutter contre leurs états grippaux, mais plutôt de se prémunir contre des agressions, de champignons notamment : les feuilles tombent au sol en tapis denses qui se dégradent mal, en libérant ces substances que nous appelons « allopathiques », nuisant… à ce qui les entoure. Il n’y a qu’à voir dans le passage du Petit Guerzido combien rien d’autre ne pousse dessous !
La difficulté de cette classification, d’espèce invasive, réside dans le fait qu’il est attendu qu’une espèce exotique envahisse outrageusement de nombreux espaces avant d’être classée. Par exemple, le caractère invasif de la Montbrétia était connu depuis des années au Royaume-Uni et en Irlande avant d’être reconnue comme tel dans certaines régions de France.
Alors pourquoi attendre d’être dépassé ? Pourquoi ne pas inverser la vapeur et introduire dans nos massifs quelques plantes locales mieux adaptées ? L’aubépine, la glaucienne jaune, la bétoine officinale, le griottier ou le myosotis bicolore, sont autant de plantes qui poussent facilement, aussi esthétiques qu’utiles, médicinales, mellifères et/ou comestibles et qui ne nuisent à aucune autre !
« Pousse spontanée de laurier-sauce. Sauf intervention, l’espace entier peut être, à terme, occupé là où se tenait un roncier et un lierre grimpant, lieu de gîte et de couvert de prédilection pour de nombreuses espèces d’oiseaux »
Ewen, pour la Commission Agriculture et Environnement